Etonnant, étrange et beau grand album cartonné au dos toilé, que cette Vie souterraine, réalisée par une artiste pluridisciplinaire aimant brouiller les pistes.Camille Lavaud Benito, artiste pluridisciplinaire, a entre autre œuvré pour des pochettes de rééditions de disques du label Born Bad (Pierre Vassiliu, Henri Salvador...). Elle est aussi créatrice d'affiches de films imaginaires, imprégnés de culture polar, espionnage, policier des années classiques du film noir français (1930-50). A ces fins, elle a créé Le Consortium des prairies, une structure lui permettant de diffuser à l'envi ses montages, idées, illustrations, séries de ping-pong entre différents supports. Ce roman graphique ne déroge pas à la règle et, au long de 96 pages magnifiquement présentées, sur un papier crème épais, développe un récit très documenté sous une forme oscillant entre nouveau roman français et cahier d'art, où les accents juifs de titis parisiens résonnent étonnamment à nos oreilles, comme dans un film. Le dessin est réalisé à la plume et au pinceau, dans un encrage tout en hachures, fines et minutieuses, révélant entre autre de belles structures architecturales, lorsque ce ne sont pas des éléments de décors africains, comme chez Gabor. Les galeries de portraits sont aussi plus vraies que nature. Parfois des tons de couleur rouge apparaissent dans un cadre, une forme, rehaussant le dessin. Celui-ci est aussi, à l'occasion, encré au pinceau, donnant une touche davantage « BD », (Pieds Nickelés, même, dira-t-on), tel dans les passages des Aventures de Cassier Laval, mise en abîme d'un périodique d'époque où l'on suit les actions coups-de-poing de nos protagonistes maquisards. En fait, il n'y a pas vraiment de règles, l'autrice faisant ce qu'elle veut, et le faisant bien. Elle finit sur une série de montage photos du film imaginaire du récit, ainsi qu’une série de fausses affiches couleur sur papier glacé que l'éditeur a eu le bon goût d'ajouter à cette édition. Une cerise sur le Benito. Seul bémol : les mains des personnages, que Camille n'a jamais appris à dessiner malheureusement. Cela n'a pas empêché l'album, premier d'un triptyque centré sur l'affaire de l'attaque du train de Neuvic, d'être nominé à Angoulême cette année, et c'est mérité. Un bijou d'édition à ajouter à votre cabinet de curiosités, dont on attendra la suite avec… curiosité.
L’inspecteur Mc Cullehan enquête dans le milieu des stripteaseuses, accompagné par son lourdingue assistant Craig Jennifer Davis. Un polar bien foutraque, mais néanmoins très divertissant.Pierre Schilling, genevois né à Melbourne, dont le parcours alternatif et underground s’émancipe logiquement chez Les Requins Marteaux, nous propose ici le second opus consacré à un inspecteur quadra, barbu blond bien en chair, tranquillou mais efficace. Schilling nous embarque dans une histoire policière tartinée à l’humour potache, tout à fait dans l’esprit Requins Marteaux. Il y a du Brunot Demont et du Quinquin (Coincoin) dans ses deux personnages et l’on se marre beaucoup à la lecture de cet album. On le réservera tout particulièrement à toute personne se fichant pas mal du style de dessin en BD, car Pierre Schilling revendique son trait naïf et peu académique. Il y a du Goossens aussi, du Monty Python et… beaucoup de n’importe quoi dans l’Inspecteur McCullehan, mais du n’importe quoi vachement bien fait. L'école « Pif dans ta face », avec une certaine tendresse aussi.
Issu d'un travail en résidence à l'atelier 932 de Coulounieix-Chamiers(24), mis en place par la compagnie Ouïe dire, ce road movie à la française possède tous les atouts d'un roman du terroir efficace. Drôle, sincère et engagé.Pierre Maurel est habituellement plutôt édité par les éditions belges l'Employé du moi. On a déjà pu apprécier son travail à l'occasion de 3 déclinaisons (2008), et Michel est le nom d'une série engagée sur laquelle il aime à revenir. Quatre titres ont été publiés depuis 2006, dans un style graphique décontracté, un peu typique de l'école française Pif et des fanzines s'en revendiquant. Un style au dessin sans prétention, souple mais précis dans ses descriptions, qui est ici mis en couleur, pour un titre un peu particulier et donc hors collection. Il y a du Jacques Villeret dans ce Georges/Michel. Ce commercial présenté dans ce One shot est un gentil quadra, bien en chair, au front dégarni et aux cheveux frisés, honnête, tranquille, plutôt bon vivant, même si assez discret. Le garagiste qui l'accueille avec bienveillance ressemble, lui, à Jean-François Stevenin. Normal, Passe misère est librement inspiré du premier film de ce dernier, à la fois acteur et réalisateur de Passe montagne (1978). D'abord semblant perdu et méfiant, dans Chamouniex, ville miroir de Coulounieix, Georges, grâce sans doute à ses propres qualités – gentillesse, empathie et écoute – se fait adopter par ce patelin et découvre ses richesses cachées, au propre comme au figuré. Pour cela, il n'hésite pas à déambuler, tel l'Homme qui marche du mangaka Taniguchi. Cette comparaison n'étant pas anodine, tant l'ambiance de ce récit joue sur le temps qui passe et la découverte d'un environnement de prime abord très pauvre. Passe misère est juste, drôle, émouvant, humain et – osons le dire – la BD « gilet jaune » par excellence, tant elle défend la même thématique de notre temps. Pierre Maurel n'est-il pas, dès lors, le Robert Guédiguian de la BD ? En tout cas, ce bouquin fait passer un agréable moment, à ne pas manquer.
Les réflexions intérieures d'un robot sexuel programmé pour baiser à merveille tout ce qui est féminin dans le cosmos. Une (vraie !) réflexion sur le désir sexuel, à travers la condition d'une machine programmée. Du cul intelligent, c'est pas courant...Proposer une BD Cul à Ugo Bienvenu, auteur de Paiement accepté et de Préférence système (Grand Prix de la Critique ACBD 2020 !), c’était s’assurer d’une approche largement plus intellectuelle que ce que propose d’ordinaire le registre du cul. Effectivement, l’auteur ne déçoit pas, et il ne déroge pas non plus à son penchant pour la science-fiction. Dans un avenir lointain, le personnage central est donc un robot sexuel, programmé pour être infaillible dans la mission qui lui a été programmée : baiser comme un dieu. Il est le baiseur absolu, de nature à ridiculiser Rocco Siffredi. Or évidemment, cette nature permet à Ugo Bienvenu de proposer une vraie réflexion sur le plaisir du sexe techniquement pur, c’est-à-dire débarrassé de tout sentiment humain. Car même si la tendance du propos était forte, jamais B.O. ne s’humanise. Peut-on tomber amoureux d’un robot ? Et quid de la réciproque ? L’existence et la destinée ont elles un sens, si on les débarrasse des sentiments ? A travers ce petit recueil souple (comme tous les autres de la collection), on suit donc les pensées analytiques de B.O. en encadrés narratifs. Comme un pied-de-nez facétieux à cette intellectualisation, ces réflexions accompagnent une partition visuelle de grandes cases on ne peut plus réalistes et explicites : B.O. enchaine toutes les positions sexuelles, même les plus perverses, par tous les trous, sur diverses planètes et astéroïdes, avec toutes sortes de créatures… relativement humanoïdes tout de même, afin que ça soit toujours excitant ! Si vous êtes un homme, vous serez jaloux. Si vous êtes une femme, vous voudrez un B.O.
Peu de gens savent que parmi les produits qu'ils consomment, il y en a peut-être qui sont fabriqués en Établissement et Service d'Aide par le Travail, qui emploient des travailleurs en situation de handicap. Focus sur la vie d'un d'entre-eux, dans le Lot.Les ESAT, encore à tort souvent appelés CAT (Centre d'Aide par le Travail), une dénomination qui n'existe plus, emploient environ 120 000 travailleurs en situation de handicap. Souvent méconnues, leurs activités économiques embrassent quasiment tous les pans de la production sur le territoire, de la sous-traitance d'équipementiers automobiles à la fabrication de jouets ou la confection de travaux d'imprimerie, en passant par les espaces-verts ou encore le nettoyage du linge de collectivités comme les hôpitaux. Troubs a été invité en résidence par l'association Pollen à Montflanquin (Lot-et-Garonne) et il s'est immergé dans le quotidien de l'ESAT Montclairjoie de Sainte Livrade-sur-Lot. Il en résulte une BD qui a tout d'un documentaire. En se calant sur le rythme d'une journée de travail, il rend hommage au labeur que les uns et les autres accomplissent, sans distinction. Autrement dit, tout le monde a droit de cité, que ce soient les moniteurs-éducateurs ou les salariés orientés par la Maison Départementale du Handicap (également connue par son ancienne dénomination, la COTOREP). On découvre ici la personnalité des uns et des autres, leurs interactions, les liens affectifs qui existent et aussi les tensions. Bref, ce qui fait « la vie au travail », comme tout un chacun. Ce petit mais beau livre rend un hommage mérité à un établissement qui compte parmi les quasi 1400 qui existent et à ceux qui les font vivre.
Dans son quartier de banlieue, Flipper s'ennuie ou écrit des comics. Il est aussi amoureux d'une certaine Laetitia, une nana sur laquelle circule les plus folles rumeurs sexuelles... Réédition d'une œuvre libre, djeun's et parfois drôle.
Le quotidien du travail à la Poste. Entre conflits, petites luttes hypocrites et récriminations, l'autopsie d'un monde du travail écrasant, métaphore d'une réalité aliénante. Une chronique sociale en forme de léger brûlot anticapitaliste.
Une famille d'agriculteurs laboure ses champs. Mais la fille aînée a des seins énormes qui l'empêchent de travailler : trop lourds, trop gros, un vrai fardeau ! Décision est prise de voir des médecins. Un récit inclassable... et remuant.
Quelques tranches d’une vie adolescente, par Virginie. Entre famille, copines, premiers amours, petits caïds de la cité et collège… Un exercice au ton juste, plutôt bien réalisé.
A travers 24 visions artistiques, les représentations possibles d'un groupe de musique imaginaire, dont on peut écouter les 4 premiers morceaux. Concept inversé.
Un mal étrange et incurable s'empare d'une modeste cité de l'Occident médiéval. Incapables d'en venir à bout, les autorités décrètent la quarantaine... Un album à l'ambiance noire et terrible, oppressant à souhait. Une réussite dans son genre.
Deux entreprises de démarchage porte-à-porte, vendant des brouettes, se retrouvent en concurrence sur un même périmètre : la guerre commerciale ne fait que commencer... Un titre grinçant et véhément à l'encontre de notre société de consommation.
Le cycle de vie d’une tête de chevreuil empaillée, complètement foutraque, imprévisible et foncièrement drôle. Une réflexion décalée sur le fétichisme, fendarde et subtile, toute aux crayons de couleurs !
Une américaine obèse from L.A., une étrange justicière mexicaine... Rien ne les relie et pourtant. Un OVNI du 9ème Art, bien frappé, qui revient sur l’affaire des disparues de Juarez.
David Sourdrille a bien des fantasmes, qu’il dévoile avec talent et sans contrainte. Un recueil d’historiettes foutraques, oniriques et subversives malmenant notre bonne conscience…
Un navire recueille un petit groupe de naufragés au large d'une île ; un à un, les membres de l'équipage commence à disparaître... La suite des aventures complètement déjantées du docteur More et de sa clique. Un véritable ovni !
Pour son retour d'Amérique, Malcom Foot – idole des foules et candidat à la Présidence – donne un bal masqué en son château. Mais alors que la fête bat son plein, la mort s'y invite... Un titre détonnant, un lecteur perplexe...