César trouve un chien dans son appart. Avec son pote Alexandre, il enquête pour en retrouver le propriétaire. Ils découvrent qu’il est mort. A-t-il été tué ? Un thriller social sur un mode narratif imprévisible, façon frères Coen.Avec sa structure narrative chorale, détachée de toute intrigue majeure et centrale, et son ton de thriller social foutraque, ce Hound dog semble emprunter beaucoup au cinéma des frères Coen (Fargo, Burn after reading…). Le biais initial fait penser à un « marabout-de-ficelle » : on est initialement installé dans un brainstorming en agence de pub… brainstorming pour une marque de whisky… whisky que va acheter l’un des protagonistes de l’histoire… protagoniste qui possède un chien… chien qui… Etc. Aucun élément ni personnage ne semble primordial dans cette construction, et pourtant tous jouent un rôle, si possible superfétatoire, mais efficient. Les deux personnages de César et Alexandre finissent par se dégager sur le devant du récit et par mener une enquête de proximité (de voyeurs). Car ils ne sont pas flics, juste des membres lambda de cette Amérique contemporaine de rednecks urbains. Cette méthode narrative rend cette histoire tout à la fois imprévisible, drôle, foutraque, glauquissîme et tragique. Les fausses pistes pullulent, tout comme les scènes d’anthologie façon The big Lebowsky. L’encrage appuyé du dessin, aussi propret mais plus réaliste que les œuvres de Brüno, se complète d’une colorisation d’une gamme restreinte de teintes fades en aplats et participe d’un rendu ad hoc en clair-obscur. Vous aimez les chiens ?
Un homme extrêmement riche invite son psy (nu) dans sa villa et lui dévoile ses secrets. Peut-être un peu trop ? Une BD qui ravit les yeux, sans pour autant convaincre par son scénario.Avec ces nouvelles histoires, l’auteur du formidable Préférence système (Grand Prix ACBD 2020 !) nous offre une critique du capitalisme, mais aussi de la recherche de la relation parfaite, poussant le protagoniste à transformer l'être humain en produit de consommation et en outil de travail. Mais c’est dans la relation entre les deux protagonistes que tout oppose que l’intrigue s'enrichit. L’un veut tout posséder et ne pense qu'à lui. Tandis que l’autre a abandonné toute forme de matérialisme, allant jusqu’à ne plus pouvoir porter de vêtements. Ce livre, réédition en intégrale de deux récits de l'univers dystopique d'Ugo Bienvenu, se déroule dans un avenir pas si lointain. Outre la technologie et la présence des extraterrestres, la société n'a pas tant évolué. Dans ce monde, les personnages sont tous antipathiques et il est difficile de s'attacher à chacun d'eux, ce qui ne facilite pas la lecture. Il faut dire que l'histoire est quelque peu confuse, les dialogues nébuleux et il faut s'accrocher pour aller au bout de cette BD. Pour ce qui est du dessin, le trait numérique est toujours aussi agréable et son univers graphique est fascinant. On trouve dans ces récits les mêmes inspirations que dans ses autres livres, laissant penser que tout se déroule dans un même univers. Cependant, le format poche très épais de la BD n'est pas très pratique à la lecture.
Réédition d’une monographie consacrée à une revue culte, La machine à rêver revient pour la sortie de la troisième formule de Metal Hurlant. L’occasion de se remettre dans l’ambiance d’années révolues, mais si délirantes et attachantes…Enfin, il reparaît ! Et ce, à peine une semaine après le retour de la revue elle-même. Essentielle, cette anthologie l'est, par sa maquette soignée reprenant, sous une couverture en dos carré collé avec rabats, un contenu dans le style intérieur de la revue des débuts. Celui-ci retrace, en six chapitres, l'histoire de cette épopée, à l'aide des témoignages nombreux de celles et ceux qui ont vécu l'aventure de l'intérieur. Mais aussi une chronologie des évènements, une bibliographie mois par mois de tout ce qui a paru aux Humanoïdes associés, les collections, et... last but not least : un énorme pavé de pages en couleurs flamboyantes, proposant l'intégralité des couvertures et une sélection d'illustrations, de Pin Up... le tout légendé. Jean-Pierre Dionnet a rajouté un « Dernier mot », permettant d'actualiser la préface originelle. Alors oui, si vous avez manqué la première édition de cette machine à rêver, ne soyez pas « une bande d'abrutis » et foncez, car sinon, vous risquez de le regretter, d'autant plus que certains dessinateurs espions ou des Jo Staline sans moustache mécontents pourraient bien venir vous rendre visite pour vous rappeler les bonnes manières. Et ce n'est pas une formule toute faite ! 304 pages, en bichromie et couleurs, rappelant les origines de la culture dans laquelle beaucoup de jeunes geeks vivent aujourd'hui, tout cela pour 34,90€ ! Laissez-vous donc embarquer pour une machine à remonter les temps futur, et vous saurez.
Un roman graphique inspiré d'un fait divers particulièrement tordu, nous dévoilant au passage la scène BD tchèque avec son meilleur titre 2018.Découvrir un album de ce niveau-là laisse perplexe. La force du graphisme, moderne, informatique, maîtrisé, est évidente dès les premières pages. On a sûrement dû être familiarisé à cette forme de BD alternative d’Europe de l’Est, au travers de récits courts dans des revues telles StripBurger, quelques Mooks ou certains fanzines de qualité. D’autres éditeurs français défricheurs, tels Ici même, ou Presque Lune nous ont aussi quelque peu familiarisé à cette BD, développant souvent une narration graphique un peu froide, carrée. Ici, un intéressant travail propose différentes formules de mise en cases, passant de pages aux petits agencements fluo très schématisés (iconifiés), à des planches davantage comics adulte, aux couleurs moins criardes, à des passages flashback encore plus aérés, sépias. Des tonalités nous baladant entre l'esthétisme géométrique d'un Chris Ware, qui jouerait avec Arthur De Pins, le gaufrier froid d'un auteur des éditions Tanibis, ou la rigueur d'un Sebastien Goethals. En tous cas, le travail impeccable de Marek Pokorny, l'un des meilleurs dessinateurs de la scène pragoise actuelle. Tout cela sur la base d'un excellent travail de journalisme, donnant à comprendre l'incroyable mouvement de fond, stratagème sectaire hallucinant révélé inopinément par ce fait divers sordide. Vojtek Masek et Marek Sindelka le décortiquent mais le racontent avec passion et talent, évoquant (malgré eux ?) dans ce thriller à forte odeur fantastique le travail d'un Alan Moore revisitant Lovecraft. Tellement à l'aise qu'ils se paient le luxe de rajouter un « What If » transitoire, évoquant brièvement ce qui se serait produit si... Si ce voisin n'avait pas capté et regardé par hasard le film de cette gamine torturée. Et « transitoire », car la fin, bien incapable de donner toutes les clefs de l'affaire, laisse quelques points en suspens, apportant tout son sens au terme « étrangeté » du titre. Une révélation et un livre absolument fascinants.
Assistant sur le tournage de Freaks à Hollywood, dont le casting est composé de phénomènes de foire, un jeune homme met le doigt sur une vaste machination, perverse et écœurante… Un thriller efficace, entre cauchemar et réalité sordide.Freaks, la monstrueuse parade est un film de Tod Browning de 1932 qui met en scène des personnes malformées, des bêtes de foire : siamoises, homme-tronc, femme à barbe, etc. Son film a été un échec, tant le public et la critique ont été révulsés. Alors qu’on croyait les bandes perdues, on l’a retrouvé dans les années 60. Il a acquis le statut de film culte et a inspiré notamment David Lynch pour Elephant Man. Fabrice Colin, romancier passé avec bonheur à la BD (La brigade chimérique, World Trade Angels) imagine ici une histoire qui ajoute du sordide au sordide. Ame et cœurs sensibles s’abstenir ! Le héros se retrouve confronté à la violence et à la perversion d’Hollywood. Lui-même handicapé par sa main brûlée par une mère abusive, il va accomplir une quête de soi, une quête initiatique, pour trouver sa place entre les « monstres » physiques dont il a la charge et les gens « normaux » qui se servent d’eux de manière abjecte. Alors qu’il est profondément gentil, naïf, Harry est confronté à la fange humaine. Il vit éveillé un cauchemar sans fin, qui lui fera se demander s’il n’a pas tout imaginé, s’il n’est pas devenu fou. A la grande maîtrise des thèmes fantastiques, avec une montée progressive mais inexorable de l’inquiétude, s’agrège l’angoisse du héros, que n’aurait pas reniée Maupassant. Le propos est brillant et bien appuyé par le trait sombre au crayon gras de Joëlle Jolivet, plutôt habituée aux thrillers pour enfants puisqu’elle vient de l’illustration de livres policiers pour préados, Souris noire. Le tout est passionnant, bien mené, extrêmement dérangeant. Le lecteur mettra de longues minutes à reprendre ses esprits – et son estomac, après avoir reposé l’album. Le cerveau bouillonnera. Impossible de passer à côté. Mais attention : pour public averti !
La mémoire numérique de l’humanité sature. Chargé de « faire de la place », Yves bascule dans la clandestinité avec la complicité d’un robot domestique. Que lègueront-ils à la postérité ? Un thriller d’anticipation truffé de sujets essentiels et actuels.
En 2058, un réalisateur de cinéma impose à son milieu son nouveau film, vaniteux et creux. Mais un événement imprévu va broyer ses certitudes. Une satire d’anticipation sur le milieu du 7ème art, baroque mais intéressante.
A 90 ans, un résident d'une maison de retraite espagnole se défenestre. 4 étages de chute, comme autant d'étapes dans sa vie que relate son fils, retraçant aussi l'Histoire du XXème siècle espagnol. Plus qu'une BD, un monument !
La guerre du Liban vue au travers des yeux d'une enfant de 7 ans à ses débuts. Une oeuvre autobiographique mariant textes et dessins, revenant sur des souvenirs douloureux - des horreurs - racontés avec plus ou moins de bonheur, formel notamment.
Un homme perd tous ses repères dans une ville de Beyrouth devenue kafkaïenne et habitée par des gens aux comportements étranges. Une métaphore ésotérique de l’absurdité de la vie, propre à instiller le malaise.
François Olislaeger aurait voulu apprendre à danser avec Mathilde Monnier, chorégraphe de renom. Au lieu de ça, la rencontre entre le dessinateur et la danseuse accouchera d'une BD sur le processus créatif et l'importance du mouvement en danse.
Le recueil de plus de quarante histoires courtes, par celui qui inventa le concept de « ligne claire ». Avec pour héros Jopo de Pojo, dude candide et nonchalant, puis Anton Makassar, peintre torturé par la technique. Un très beau livre.
Dans une grande université du pays basque, un professeur d'histoire de l'art pratique le meurtre sanglant, expression ultime de sa créativité. Un polar noir affreusement accrocheur, par deux auteurs espagnols impressionnants de maîtrise.