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La boîte à bulles

banner La boîte à bulles

Août
17 août

L' Homme qui corrompit Hadleyburg

Quand une ville régie par la bien-pensance et la vanité de ses habitants est confrontée à la cupidité de tous. Une belle dénonciation de l'hypocrisie WASP. Une adaptation remarquable d'une nouvelle de Mark Twain.Wander Antunes appartient aux artistes dont il convient de surveiller les parutions. Même s'il ne s'agit que de son septième album édité en France depuis 2005, on se souvient de son scénario pour Toute la poussière du chemin. Et cette fois-ci, c'est en auteur complet qu'il adapte une nouvelle de Mark Twain, très connue aux USA et bien moins par ici. Le brésilien surprend par son talent de dessinateur et de coloriste. Dès les premières pages, le soin qu'il porte aux ombres, aux couleurs et aux décors séduisent et permettent de s'immerger dans l'histoire de Hadleyburg, petit bled bien-pensant qui va traverser une épreuve. Le découpage s'avère très travaillé et on apprécie les nuances d'encrages qu'il amène, jouant avec l'épaisseur des traits. Le rythme est lent, pour mieux s'imprégner de la mentalité des culs-bénis de cette ville, dont le slogan vante la localité comme étant la plus honnête d'Amérique. Mais un homme va prendre une revanche. Se considérant comme ayant été humilié lors de son passage dans la ville, il va faire miroiter un héritage à qui réussira à résoudre une énigme. Et ce test révèlera l’extrême cupidité de tous. Doucement mais sûrement, Wander Antunes plombe l'atmosphère et introduit une tension aussi malveillante que l'esprit de ces WASP. On retrouve avec grand plaisir quelque chose de cette « littérature sociale » US, qui peut rappeler aussi Steinbeck, dans l'art de faire vivre « les petites gens ». Enfin, l'auteur ne se contente pas d'adapter à la lettre la nouvelle de Mark Twain, car il introduit ses deux personnages emblématiques, Tom Sawyer et Huckleberry Finn, qui viennent jouer de sympathiques seconds rôles. Voici donc un album réussi, tant sur le fond que sur la forme.


Scénario : Wander Antunes | Illustration : Wander Antunes
Chronique sociale
Février
16 février

Fraîche

En 2010, Pia a seize ans et c'est le moment où, d'adolescente, elle veut devenir femme. Elle rentre dans un lycée privé et vit sa première histoire d'amour. Un regard sensible sur la sortie de l'adolescence, un portrait attachant.Marguerite Boutrolle a fait Science Po Paris, diplômée en 2018. Et avec Fraîche, elle fait une belle BD. A 27 ans, elle dit elle-même s'être retournée un peu sur ses souvenirs pour construire cette fiction (elle dédie son livre à ses amies et aux jeunes filles qu'elle étaient). Tout comme Pia, elle vient d'un milieu bourgeois et l'histoire de cette fille, plutôt sage, qui sort de l'adolescence, c'est aussi la première histoire d'amour mise en scène par l'autrice. On fait donc l'intime connaissance de Pia, une fille à la fois pudique et prête à s'émanciper. C'est un portrait tout en finesse, mais qui véhicule aussi la violence intériorisée, celle de l'ingrate adolescence, où le bonheur et la mélancolie côtoient la légèreté et la sensibilité... Les 270 pages de Fraîche sont découpées en 18 chapitres, qui sont autant de scènes de la vie quotidienne. Le dessin de l'autrice est à l'image de la couverture, avec des traits en rondeurs et l'utilisation d'un noir charbon. Marguerite Boutrolle joue avec le cadre du gaufrier, dont elle s'amuse à estomper les contours en fonction des sentiments qu'épouse Pia. Le découpage de ses planches amène une forme de fluidité à la lecture et il y a un leitmotiv de fin chapitre, avec une double page noire. La mise en page est donc très subtile, parce qu'elle est... fraîche. Et on replonge avec Pia au temps du lycée. Fraîche a une forme de pureté, symboliquement, celle qui touche au thème de la virginité et de sa fin, celle d'une première histoire d'amour amer... Une fenêtre qui marque aussi le moment où on questionne son devenir. Pia n'est plus vierge, mais quelle femme sera-t-elle, quelle vie aura-t-elle ? A vous de l'imaginer, en lisant Fraîche.


Collection: Fictions Scénario : Marguerite Boutrolle | Illustration : Marguerite Boutrolle
Chronique sociale
16 février

Chien hurlant

Andreas intériorise la violence de son histoire familiale, ce qui lui vaut, forcément, de sérieux problèmes de scolarité. Heureusement, son oncle veille sur lui. Un récit intéressant sur l'adolescence, ainsi que sur les gens du voyage.Raconter l'histoire d'un adolescent en épousant sa psychologie est toujours un peu casse-gueule. Pourtant, Mélissa Morin réussit parfaitement à donner vie à Andreas et ses potes, en peignant le tableau d'un jeune homme mal dans sa peau (c'est souvent le propre des ados) qui va trouver en la figure d'un oncle ce dont il se sent privé par son père, lui-même en proie à des difficultés qu'il semble avoir bien du mal à surmonter. L'autrice est à l'aise avec ce thème, qu'elle avait déjà abordé en dessinant Céphéide. À l'inverse de cet album sorti en 2019 chez Glénat, ici, point de fantastique ou de fantasmagorique, car c'est dans un quotidien réaliste qu'on suit les ruptures, les coups de pression, les souffrances psychologiques et les espoirs de ce gamin qui ne l'est déjà plus vraiment. Puis vient le point d'encrage dont il a besoin, la figure adulte et bienveillante, en la présence d'un oncle. Ce dernier a l'air d'un marginal et le dernier tiers de la BD a le grand avantage de mettre en scène une famille de gitans. Avec ces gens du voyage, ce n'est pas un idéal qui est narré, mais le sentiment d'appartenance, la nécessité d'accepter des règles. Celles-ci sont des valeurs qui, du moins l'imagine-t-on, car cela n'est que suggéré, aideront ce bientôt jeune homme à fleur de peau, à grandir et se stabiliser. Avec sa fin ouverte, Chien hurlant finit sur une note d'espoir et laisse au lecteur une trace réconfortante, comme le font les belles histoires.


Collection: Fictions Illustration : Mélissa Morin | Couleur : Jean-Denis Pendanx
Chronique sociale
Novembre
17 novembre

Le grand voyage d'Alice

Alice a cinq ans quand elle doit fuir les massacres qui ont lieu au Rwanda. 2000 kilomètres pour traverser le Congo, à l'époque le Zaïre. Un récit poignant, primé par Médecins Sans Frontières. Cela n'a rien du hasard si ce livre a été primé par Médecins Sans Frontières aux Rendez-vous du Carnet de voyages de Clermont-Ferrand, car Le grand voyage d'Alice est un récit touchant. Celui d'une petite fille qui a survécu au génocide rwandais. C'est un livre qui vous prend aux tripes. Gaspard Talemasse retrace l'histoire de cette enfant qui ne cesse de fuir la mort. Pour cela, le récit adopte la première personne, ce qui fait qu'on est témoin des évènements avec les yeux de cet enfant. A travers son parcours, 2000 kilomètres, d'innombrables jours d'exode, l'auteur a choisi de ne mettre en scène que ce dont se souvient l'enfant, ce qu'elle a perçu, ressenti, lors de la situation. La peur, l'épuisement, la maladie (pensez-donc, elle a survécu à une pneumonie et la malaria en même temps), les bêtes sauvages la nuit, les militaires à ses trousses, la terreur, la séparation... on imagine par où est passée la petite Alice et avec elle, c'est l'horreur de la guerre qui est dépeinte. Le trait rond, comme les yeux en forme de billes de ces gosses en exil et les couleurs aquarellées amènent de la lumière sur ce récit bouleversant, le visuel venant ainsi balancer avec la dureté des évènements décrits, de mars 1994 à avril 2003... En fin d'album, l'auteur donne aussi la parole à la mère d'Alice, elle aussi rescapée. Voici une BD magnifique qui parle de l'effroyable.


Collection: Hors champ Scénario : Gaspard Talemasse | Illustration : Gaspard Talemasse | Couleur : Ma yi
Chronique sociale
Juin
9 juin

J'ai vu les soucoupes

Sandrine est une ado en souffrance quand elle commence à s'intéresser à l'Ufologie. Cette passion va la dévorer, jusqu'à prendre une place obsessionnelle, qui l'amènera au bord de la folie. Témoignage d'une endoctrinée qui s'en est sortie.Il a fallu du courage à Sandrine Kerion pour nous livrer, avec cette BD, son témoignage qui relève de l'intimité. Ado à la psychologie fragilisée par un conflit parental, elle nous explique avec J'ai vu les soucoupes comment elle a, année après année, fini par rompre avec la réalité, endoctrinée par des thèses complètement folles qui ont annihilé une partie de sa vie et de sa raison. L'autrice est désormais au clair avec tout ce qui l'a faite souffrir et elle ne se cache pas non plus les longues années de thérapie qui ont été nécessaires à ce qu'elle pardonne ses parents, qu'elle accepte son propre parcours, finalement, qu'elle trouve la paix. Son livre n'est pas qu'un témoignage, c'est un essai qui décortique les mécanismes psychologiques qui signent la vulnérabilité d'un sujet et qui en font une « victime idéale » pour les tenants des thèses complotistes. Sans pour autant la discréditer, elle retrace remarquablement bien l'histoire de l'Ufologie, des années 50 à nos jours et critique avec beaucoup de finesse la « branche pourrie » qui gangrène les discours sur la vie extra-terrestre. Cette désinformation prétend que les Reptiliens sont au pouvoir. Elle défend encore l'idée, sous couvert d'allures scientifiques, que la race blanche est supérieure, charriant avec elle une flopée d'antisémites et de négationnistes. On ne passera pas en revue le nombre de charlatans, fous convaincus ou manipulateurs de première, ou encore cyniques ayant flairé le bon filon pour se faire du fric, le livre en est rempli. En revanche, on soulignera les vertus pédagogiques de ce livre, véritablement manifeste contre l'endoctrinement, dont les dessins épurés permettent de concentrer toute son attention sur son propos, juste et touchant.


Collection: Contre-coeur Illustration : Sandrine Kerion | Couleur : Sandrine Kerion
Chronique sociale
Septembre
8 septembre

Récits depuis la banquette arrière

Quand une autrice de BD met à profit les souvenirs de ses courses de taxi. Los Angeles, Jakarta, Paris, Washington DC, chaque course débouche sur un échange, pas toujours anecdotique. Un album aussi atypique que sympathique. Aimée de Jongh est née en 1988. Son métier lui a permis de voyager pour faire des festivals et elle a bénéficié d'une reconnaissance internationale qui explique qu'elle a franchi bien des frontières. Alors très souvent, pour se rendre de son hôtel jusqu'au salon où elle était invitée, elle a choisi de prendre le taxi. Peut-être même que c'est une de ses conversations avec un chauffeur, qui lui dit qu'il était fan de BD et qu'il figurerait peut-être dans une des siennes, qui lui a donné l'idée et l'envie de faire ce livre, paru en 2019 en Hollande, dont elle est native. En tout cas, elle choisit de découper ses différentes rencontres et conversations sur la banquette arrière de façon à ce qu'elles se superposent et s'entremêlent. Le procédé est habile, car elle, Aimée, est toujours constante quand les chauffeurs, eux, sont représentatifs des villes qu'ils traversent durant leurs courses. Et cela permet aussi d’introduire un gimmick qui crée un comique de répétition : « Ah oui, la Hollande... Johan Cruyff ! ». Taxi ! se veut léger, à l'image de son Noir et Blanc sobre, mais il cache aussi la grande capacité de l'autrice à observer son environnement. On retiendra aussi quelques passages émouvants, comme celui de cet américain qui a vécu un traumatisme sur la route, perdu son boulot et mis bien du temps avant de pouvoir le reprendre ; ou encore celui bien délirant où le chauffeur indonésien lui montre des photos de son père agonisant à l'hôpital, puis mort, puis enfin ses funérailles ! Taxi ! vous fait donc voyager avec Aimée et véhicule aussi parfaitement toute sa sensibilité. Un livre atypique et vraiment plaisant.


Collection: Contre-jour Illustration : Aimée de Jongh | Couleur : Caroline Lee
Chronique sociale
Octobre
20 octobre

Portraits de Gilets Jaunes

Sur son blog, depuis 2018, Sandrine Kerion réalise des portraits de Gilets Jaunes. En remaniant l'ensemble des informations et témoignages qu'elle a recueillis, elle propose un ouvrage centré sur les individus et qui revient sur ce mouvement.Il y a quelques mois, chez le même éditeur, Sandrine Kerion dressait son autoportrait sans concession. J'ai vu les soucoupes revenait sur son adolescence, le divorce de ses parents et la passion qu'elle trouva, un peu comme un refuge, dans l'Ufologie, au point de flirter avec le complotisme et finalement, une forme de folie. Cette fois-ci, elle a emprunté un slogan écrit sur une jaquette fluo pour donner son titre à cet album. Titre et sous-titre nous disent tout : on frôle ici le manifeste. Mais qu'on soit ou pas solidaire du mouvement GJ importe peu, car ce qui est réussi dans son récit, c'est qu'il remet neuf personnes au centre de la narration. Bien sûr, toutes expriment ce qui s'est dégagé d'une mobilisation massive dans le pays : la colère, le sentiment d'une politique sociale injuste (ou carrément inexistante), l'envie de vivre mieux, même si le mouvement a charrié une réponse aussi violente que pouvait être le ressenti de celles et ceux qui se sont mobilisé.e.s. Pas un mot en revanche sur ce qui a pu être bien paradoxal : le besoin d'être libres, tout en justifiant le « blocage » de la liberté d'aller et venir des non manifestants, parce que la cause de ceux qui se mobilisaient leur semblait juste. Les violences policières qui accompagnèrent les rassemblements hebdomadaires sont naturellement remises en perspective. Alors la sobriété du dessin fait ressortir toutes les émotions vécues par l'autrice et les personnes à qui elle rend hommage. Et même si on ne cautionne pas tout, comme l'expression d'une forme de compréhension de la violence de certains manifestants, ce livre a le mérite de mettre en avant des personnes comme vous et moi, qui ont voulu (et veulent encore) faire « changer les choses » au profit d'une meilleure société. Sandrine Kerion ne se cache pas derrière les autres : clairement, on perçoit qu'elle adhère aux GJ. A vous de voir si vous adhèrerez à sa BD, qui est tout sauf neutre.


Collection: Contre-coeur Scénario : Sandrine Kerion | Illustration : Sandrine Kerion | Couleur : Sandrine Kerion
Chronique sociale
Mars
10 mars

Raven et l'ours T3

Raven et Dimas, l'ours qui l'accompagne, retrouveront-ils le chemin de la maison de l'enfant ? Encore un tome et des aventures qui apprennent que la vie n'est pas un long fleuve tranquille !Avec Raven et l'ours, Bianca Pinheiro a su construire une série aussi attachante que la petite fille qui l'anime. Trois volumes, c'est assez peu pour installer une œuvre... Et pourtant, on sait qu'ils sont un rendez-vous avec la féerie et l'humour tendre et désarmant des enfants. Après les mystères de la Cité des Énigmes, après le presque surréaliste épisode précédent à Metodica, on retrouve nos deux amis avec une ouverture par 7 pages d'intimité. 7 pages passées sous la tente, entre le coucher du soleil serein et l'aube porteuse d'une catastrophe de la nature, puisque Raven et Dimas sont envahis par l'eau ! C'est le début d'une nouvelle aventure et cette fois, elle sera aquatique. Et il ne sera pas dit que Raven et l'Ours sont deux marins d'eau douce, puisqu'ils rejoindront l'océan et y croiseront d’étranges créatures. La formule narrative reste la même : on retrouve ainsi les mêmes mécanismes narratifs que dans les deux volets précédents, avec le leitmotiv toujours sympa du coup bu au bar de Mme Pivara. Alors si le fond et le propos ne changent guère, c'est la colorisation qui va se démarquer essentiellement, délaissant les tons vifs au profit de couleurs plus sombres et troubles, pour mieux évoquer les fonds marins. A défaut de nous réserver de vraies surprises, ce nouvel album de la série est suffisamment bon pour qu'on se dise qu'il enfonce le clou, parce que Raven et l'ours, c'est joli et poétique.


Collection: La malle aux images Illustration : Bianca Pinheiro | Couleur : Thomas Labourot
Contes / Fééries
Janvier
6 janvier

Azizam

Parvanè est morte de vieillesse. Amir, son époux et ses trois enfants, Reza, Moahammad et Shirin, sont en plein désarroi. Mais cela ne va pas durer, car les deux frères se liguent contre leur sœur pour l'héritage. Une comédie qui cache bien son jeu !Gelsomino est d'origine iranienne. Ses voyages à Téhéran ont inspiré à cette autrice l'histoire d'Azizam (qui signifie en persan «très chère»). Sous ses aspects de comédie, elle évoque en filigrane la condition des femmes et le poids culturel qui les ramène à être la dernière roue du carrosse dans une fratrie. En choisissant de traiter avec légèreté un sujet aussi grave que les dissensions familiales, elle donne un aspect souvent comique aux querelles de ce père endeuillé, qui n'en peut plus de voir la cupidité de ses enfants. Et qui, paradoxalement, ne s'indigne que bien trop tard auprès de ses fils. En effet Reza et Mohammad n'ont de cesse de priver leur sœur de ses droits. Parce qu'elle est une femme. Derrière ces personnages aux faux airs de caricatures, Gelsomino dresse un portrait sans concession de la société iranienne et du mal que le régime de Khomeini (à peine suggéré) à pu faire auprès de la plus grande partie de la population. C'est ainsi qu'on voit Amir et sa femme Parvanè jeunes et épanouis, puis basculant dans une interprétation de l'Islam qui laisse la petite Shirin sur le carreau éducatif, les deux frères étant ceux à qui on a toujours tout laissé passer... et qui sont devenus deux goujats. Car finalement, la seule belle personne de cette histoire, c'est cette femme voilée, Shirin, qui traverse les épreuves et conserve l'amour de sa famille, celle qu'elle a fondée. Ce beau récit révèle au fur et à mesure une profondeur qui n'est pas soupçonnable, avec son début façon comédie italienne et dont les dessins aux aquarelles séduisent immédiatement. L'italienne Valeria Guffanti signe ici sa première BD et il est certain qu'elle a un bel avenir dans le milieu. Un album surprenant et attachant.


Scénario : Gelsomino | Illustration : Valeria Guffanti | Couleur : Valeria Guffanti
Roman graphique
Octobre
1 octobre

Les engagés de Nouvelle-Calédonie

Pour faire prospérer les mines de Nickel de Nouvelle Calédonie, les industriels, sous l'égide des autorités françaises, ont exploité des milliers de tonkinois, leurrés par la promesse d'une vie meilleure. Un livre qui revient sur cette histoire.Jean Vanmai, écrivain calédonien d'origine vietnamienne, a invité Tess Do, professeur à l'Université de Melbourne, et Clément Baloup, à venir sur ses terres. Les accueillir sur « le caillou » était l'occasion de leur raconter son histoire familiale, mais également celle de milliers de vietnamiens qui vinrent travailler – et malheureusement pour beaucoup y perdre la vie – dans les mines de Nickel de l'île, une ressource qui constitue près d'un tiers des réserves mondiales du précieux minerai. C'est de cette rencontre tripartite qu'est né ce livre, qui retrace donc les faits historiques, sociologiques mais aussi les mœurs de la population mixte et métisse de Nouvelle-Calédonie. Ce voyage en plein Pacifique s'inscrit donc aussi dans le temps, de 1891 jusqu'à nos jours, et il rend hommage et justice à ceux dont les ancêtres ont été traités comme des animaux. Des bêtes de travail, ramenées à un matricule qu'on leur attribuait à leur arrivée, pour qu'ils garnissent les rangs des « ouvriers ». On découvre ainsi leurs conditions de vie indignes, les maltraitances quotidiennes qu'ils pouvaient subir, bien sûr l'ignoble racisme dont ils ont fait l'objet, ainsi que leurs insurrections et une condition qui évolua avec le temps, générations après générations, pour finir par devenir une partie intégrante de la population de l'île. On ne va vous dérouler plus que cela le fil de cette belle BD. On se contentera juste d'en souligner l'enrichissement qu'on en tire à sa lecture et de saluer le travail beau et sobre de Clément Baloup, qui dessine sans esbroufe. Et comme toujours avec La Boîte à Bulles, on s'instruit et on dispose d'un nouveau livre qui donne à réfléchir.


Collection: Contre-coeur Illustration : Clément Baloup | Couleur : Clément Baloup | Scénario : Pierre Daum
Chronique sociale
Novembre
4 novembre

Shingal

En 2014, au Nord de l'Irak, le retrait des troupes armées Kurdes, les Peshmergas, laisse la place à Daech pour envahir une partie du Shingal. 400 000 Yézidis sont menacés. Un récit brut et instructif qui éclaire sur un génocide peu connu.Shingal est un récit fictif basé sur des faits réels. Plus précisément, ce sont les personnages qui sont fictifs, bien qu'eux-mêmes inspirés par les hommes, femmes et enfants que les auteurs ont rencontrés sur place. Autrement dit, tout ce qui peut être fictif dans cette BD ne porte jamais atteinte à la réalité historique de ce qui a été un véritable génocide. Les Yézidis ne sont ni chrétiens, ni musulmans, ni kurdes. Ils sont un peuple persécuté 75 fois dans leur histoire et cette bataille s'ajoute aux tentatives de les rayer de la carte de l'humanité. Les auteurs s'appuient donc sur une démarche de reconstitution des évènements, cartes à l'appui, pour délivrer un récit sans concession. On apprend beaucoup à la lecture de ce livre et les évènements qui secouent l'Irak depuis des décennies prennent aussi une lumière toute autre que celle amenée par des infos quotidiennes, marquées par la nécessité stupide d'aller toujours plus vite, quitte à dévoyer la réalité en la simplifiant à l'extrême. C'est donc une véritable plongée dans l'histoire, la culture, les croyances et les mœurs des Yézidis qui nous est offerte avec Shingal ; et bien sûr, un regard aussi glaçant que l'est la guerre avec ses stratégies, ses abandonnés, ses massacres. Au milieu de cette histoire dramatique, soutenue par des dessins qui restituent aussi la beauté de la région et sa lumière, on aura droit à quelques parenthèses qui rendent hommage à la douceur d'âme de ce peuple. Voici donc un album qu'on ne peut que vous recommander au plus haut point.


Illustration : Torre Rorbaek | Scénario : Torre Rorbaek | Couleur : Torre Rorbaek
Guerre
4 novembre

Le peintre des Khmers Rouges

Vann Nath a été, comme des millions de compatriotes, victime des Khmers Rouges. Il n'a dû sa survie qu'à son talent de peintre. Hanté par la perte de son fils et les horreurs qu'il a vécues, il a œuvré tout le reste de sa vie au devoir de Mémoire.En 44 mois qu'a duré le régime des Khmers Rouges, on estime qu'entre 1 cambodgien sur 5, à 1 sur 3 a perdu la vie. Derrière ce chiffre effrayant, ce sont entre 1,5 et 2,2 millions de morts dont le régime complètement fou de Pol Pot est directement responsable. 60% ont connu une « mort violente », un terme qui masque en réalité assassinats et tortures. Et ne croyez pas qu'une balle dans la tête était la règle. La règle, c'était d'assommer d'abord les prisonniers qu'on réunissait pour l'exécution. Un groupe électrogène était alors allumé pour que son bruit couvre la conversation des soldats assassins, qui échangeaient préalablement sur la façon dont ils allaient exécuter leurs basses œuvres. Et une fois assommé, le coupable désigné était égorgé. Les Khmers Rouges, c'est 1,3 million de corps exhumés de 25 000 fosses communes découvertes après la chute du régime. La règle, c'était qu'un prisonnier doit être exécuté, parce que « l'Angkar n'est pas stupide, elle n'interpelle pas d'innocents ». La règle, c'était que les enfants des traîtres devaient être tués, pour qu'ils ne puissent pas grandir dans le désir de se venger. Et les enfants, on les tuait devant leur mère, en les projetant contre un arbre... Vann Nath a été victime des Khmers Rouges, mais il n'a survécu que parce que ses bourreaux ont considéré que les peintures des responsables du Parti, qu'on lui demandait de faire, étaient correctes. Il a été interné plus de 4 ans dans un camp qui a compté environ 20 000 prisonniers. Seuls sept adultes et cinq enfants y ont survécu. Alors chaque jour, il a regagné le camp S-21, laissé à l'abandon, pour peindre les scènes de la barbarie quotidienne qui s'y déroulaient. Vous l'avez compris, le livre que signent Matteo Mastragostino et Paolo Castaldi est de ceux qui vous choquent, qui vous retournent les tripes, tant il met en évidence la réalité de l'horreur de ce régime. Le récit rend un hommage émouvant à ce peintre qui vécu tout le reste de sa vie à témoigner, quand les dessins, particulièrement sobres, laissent toute la place aux émotions. Quelques-unes des ses œuvres sont reproduites dans un cahier de fin d'ouvrage et tout le sens de la démarche de cet artiste prend corps : que les jeunes de son pays n'oublient jamais. Que l'Humanité toute entière se souvienne.


Collection: Hors champ Scénario : Matteo Mastragostino | Couleur : Paolo Castaldi
Guerre
Septembre
9 septembre

Ting tang sap sap

Hippolyte est tombé amoureux d'Adajratou, qui le met au défi de réunir un million de Francs CFA pour qu'il puisse être son prétendant. Le compte à rebours d'une semaine est déclenché, dans une Ouagadougou festive.Il y a des albums qui vous font du bien. Parce qu'ils véhiculent la joie, parce qu'ils vous confrontent à l'altérité, parce qu'ils vous font voyager et vous immergent dans un quotidien qui diffère beaucoup du nôtre. Ting Tang Sap Sap s'inscrit dans ce registre et propose cette expérience de lecture. C'est une histoire simple et belle, à l'image de la rencontre entre Hippo et Adajratou. Et quel domaine plus pertinent que l'Amour pour relater les mœurs ? Les auteurs ont pour eux d'être familiarisés avec le Burkina Faso ; les personnages qu'ils mettent en scène sont les reflets fictifs de burkinabés qu'ils connaissent personnellement. Ainsi, à travers la sympathique success story à laquelle Hyppolite est condamné s'il veut pouvoir briller aux yeux de sa douce, c'est le quotidien des Ouagalais qui est décrit. Ici, le rapport au temps, à l'argent et tout simplement aux autres est totalement différent de ce qui régit nos relations sociales. Anaëlle Hermans souligne d'ailleurs intelligemment les liens qui existent entre les ethnies, en particulier la notion de « parent à plaisanterie », qui autorise ceux qui en bénéficient à s'insulter ! Le recours à la voix-off amplifie également le sentiment de proximité, voire l'identification à ce jeune homme débrouillard et motivé comme jamais par les doux yeux de cette Samo, quand lui est Mossi. Louis-Marie Colon et Benjamin Vinck se partagent le travail graphique, avec des planches simples, toujours lisibles et découpées façon gaufrier. Ils ont soigné les décors, si bien qu'on a le très agréable sentiment de lire une BD aux accents de carnet de voyage, sans que cela ne soit préjudiciable au rythme. Enfin, « Ting tang » veut dire en dialecte local « la débrouille », et « sap sap » signifie « vite ». Alors débrouillez-vous comme vous pouvez et faites l'acquisition, vite, vite, de cet album réjouissant !


Collection: Hors champ Illustration : Benjamin Vinck | Couleur : Benjamin Vinck
Chronique sociale
Octobre
7 octobre

Six jeunes alsaciennes en résistance

Alors que l'Alsace a été annexée par le Reich, Alice Daul, sa sœur Marie-Louise et cinq autres amies montent un réseau de résistance. Ces jeunes femmes permettent à plus de 500 prisonniers de s'évader. Un beau récit basé sur la réalité historique.Étienne Gendrin signe la 160ème et dernière page de sa BD avec cette mention : « janvier 2015 - juillet 2020 ». On mesure ainsi le temps que lui a pris son ouvrage, sans même parler de la phase d'écriture et de son préalable en terme de documentation. Parce qu'il est allé chercher dans l'Histoire la matière première de son livre. Lucienne Welschinger, Emmy Weisheimer, Alice et Marie-Louise Daul, Marcelle Engelen et Lucie Welker revivent sous ses traits. Elles s’autoproclamèrent les « Pur Sang », sans doute en réaction à la doctrine de la race aryenne, pour élaborer mille et une stratégies d'évasion de prisonniers du Service du Travail Obligatoire. Mais au delà de l'anecdote au sujet du nom de ce réseau de Résistantes, ce qu'on retiendra, c'est qu'elles permirent ainsi plus de 500 exfiltrations. Et comme si cela ne suffisait pas à se faire une idée de leur courage, Alice et Marie-Louise étaient filles de notables. En effet leur père n'avait pas refusé de reprendre, à la demande des allemands, la gestion et la direction de la distillerie de Strasbourg, appartenant jusqu'alors à une famille juive... L'auteur revient donc, avec une précision historique qu'on mesure dans les détails de chaque préparatif, de chaque opération, sur une foule d'évènements et, fatalement, de persécutions. Car ce qui devait arriver arriva : après deux ans d'activités, le réseau tomba et toutes les filles furent prisonnières. Hitler donna l'ordre de les exécuter à l'issue d'une pantomime de jugement. Elles échappèrent à la sentence qui scandalisa l'opinion publique. Pétain et le nonce apostolique intervinrent auprès du führer, qui finit par suspendre leur exécution, sans pour autant qu'elles ne le sachent, redoutant chaque jour de leur détention d'être pendues... Voici donc un remarquable hommage à ses résistantes de l'ombre.


Collection: Hors champ Illustration : Etienne Gendrin | Couleur : Etienne Gendrin
Roman graphique
Septembre
9 septembre

Un combat contre l'oubli

Une superbe adaptation des Mémoires de Serge et Beate Klarsfeld, qui ont voué leur vie pour que la Shoah soit reconnue, que ses responsables soient jugés et qu'on ouvre des droits aux descendants des familles de déportés.Beate et Serge Klarsfeld ont été un couple symbolique. Le premier fut un enfant juif que son père sauva en se sacrifiant. La seconde était issue d'une famille allemande qui n'était pas nazie, mais qui, comme tant d'autres millions, vota pour Hitler sans avoir la lucidité de comprendre l'ignominie de son programme. Un couple franco allemand d'après guerre, qui consacra sa vie entière à réparer cette injustice : tant de hauts dignitaires nazis jugés par contumace en France mais qui bénéficière de l'absence de demande d'extradition, pour couler une vie paisible. Les époux Klarsfeld ne renoncèrent jamais à obtenir que Justice soit faite et que les responsables de dizaines de milliers de morts, quand ils avaient signé des ordres de déportation, finissent par répondre de leurs actes. Si Willy Brant a supplanté Kiesienger, après deux échecs, c'est que la gifle que lui a donnée Beate en hurlant « Nazi ! », devant des dizaines de photographes, en plein congrès annuel de son parti majoritaire, a eu pour effet de mobiliser des milliers de jeunes allemands, qui votèrent massivement contre son opposant. Si Klaus Barbie a été jugé, c'est parce que les Klarsfeld ont réussi, en utilisant la presse pour faire pression sur les autorités péruviennes, à ce qu'il soit extradé vers la France, alors même qu'il était protégé depuis des lustres par la CIA, plus que méfiante avec notre pays soupçonné par les américains de pouvoir céder au communisme. En un mot comme en cent, si l'Histoire est ce qu'elle, Beate et Serge Klarsfeld en ont été des acteurs, d'importance. C'est exactement ce que ce livre met remarquablement en lumière. Au point où il a été créé avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoa. Pascal Bresson retrace ainsi leur vie et leur pugnacité extraordinaires, quand Sylvain Dorange met son talent pour illustrer avec sobriété ce récit à la fois précis et haletant. Une fois de plus La Boîte à Bulles propose une œuvre forte, de celles qui forcent l'admiration pour les personnes qu'elle consacre... et les artistes qui le permettent. A destin exceptionnel, ouvrage exceptionnel !


Collection: Couleur : Sylvain Dorange
Roman graphique
Mai
20 mai

Deux hivers un été

Wally est issue d'une famille juive polonaise qui a émigré en France. Mais quand la Seconde Guerre éclate, c'est toute sa vie qui est bouleversée, marquée par la fuite et la mort de ses proches. Un témoignage poignant.Cette BD a bénéficié du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Sa préface est signée de d'Anette Wieviorka, historienne spécialiste de l'extermination systématique des juifs durant le régime Nazi, ainsi que, plus généralement, de l'histoire des Juifs au XXème siècle. Cet album est le témoignage que livre Wally Danzig, juive d'origine polonaise. Elle avait 14 ans quand elle a du fuir la France occupée. Le pays que son père avait choisi pour ses valeurs, alors même qu'il y avait été fait prisonnier des années avant, à cause de la Première Guerre Mondiale. Le pays pour lequel il s'était engagé volontaire quand il avait fallu le défendre, lui, devenu parisien. Valérie Villieu a écouté Wally et l'a enregistrée. Wally n'avait jusque-là jamais vraiment raconté sa vie. Alors elle a posé des mots sur ses maux, pour remonter avec pudeur le cours des évènements qui ont fait basculer sa vie, pour évoquer la disparition des membres de sa famille et de tant d'amis... Alors, il nous semble assez vain de vous décrire les émotions qui vous traverseront à sa lecture. Et même si le sujet a fait l’objet de nombreux récits, celui-ci transmet parfaitement la douleur pourtant indicible de ces familles traquées, décimées, exterminées... D'autant plus quand on parle d'enfants séparés de leurs fratrie et parents, dont ils attendront en vain le retour de camps de concentration. Ce livre, c'est six ans de travail pour les auteurs. Antoine Houcke y adopte un trait réaliste, voire académique, avec des fusains, dont le noir renvoie à cette horrible période de l'Histoire, quand ses couleurs viennent illustrer les deux hivers et l'été que passe Willy dans la région grenobloise, une fois qu'elle a pu traverser la ligne de démarcation, pour sauver sa peau. Enfin, le cahier présenté à la fin de l'ouvrage propose des points de repères qui contextualisent les décisions et la politique du gouvernement de Pétain et enfin, des photographies de la famille Danzig. Un livre bouleversant.


Collection: Hors champ Illustration : Antoine Houcke | Couleur : Antoine Houcke
Roman graphique
Août
19 août

L' Attentat

Quand un adulte reconstitue le drame familial sur lequel il a du se construire. Une adaptation poignante du roman d’Harry Mulisch, qui nous replonge dans les atrocités de la Seconde Guerre Mondiale, quand les civils trinquaient...Milan Hulsing a suivi sa formation à l’Académie d’Art de Rotterdam. En adaptant le roman de Harry Mulisch, dont il reprend aussi le titre, il se penche sur les heures sombres de son pays, quand il était occupé par les forces du Troisième Reich. C’est donc l’histoire personnelle d’Anton qui est exposée ici, au cours de ce qui ressemble à une enquête qui ne dit pas son nom. Le personnage principal s’est en effet construit sur un traumatisme extrême, puisqu’il a perdu sa famille nucléaire en 1945, quand ses parents et son frère aîné ont été assassinés par les nazis. Devenu un homme respectable et au tempérament presque effacé, il éprouve le besoin de reconstituer les évènements de cette nuit funeste. Avec une narration qui s’appuie sur un continuum de temps éclaté (les années passent et chacune qui marque une avancée dans la reconstitution des faits fait l’objet d’un chapitre), c’est un peu comme un puzzle dont on retrouve progressivement les pièces. Et chaque évènement révélé amène des éléments supplémentaires à la dramaturgie. Les logiques d’action, les sacrifices effectués, le temps qui passe et le regard qu’on porte, un demi-siècle plus tard, sur les actes posés durant l’occupation, sont autant de sujets qui traversent le récit et constituent pour le lecteur une grille invisible mais poignante. Avec le choix d’un graphisme simple, les portraits étant tirés au couteau, des couleurs vives, de l’ocre au vert foncé, c’est un visuel assez irréel qui est proposé, permettant ainsi de facilement s’immerger dans les « décrochages » imaginaires d’Anton. Ses émotions, ses pensées secrètes sont ainsi traduites par des images chargées de symboles. On referme le bouquin en ayant le sentiment d’avoir accompli un voyage bouleversant dans l’intimité de cet homme qui a trouvé la paix, malgré tout ce qui est censé pouvoir l’en priver. L’attentat est l’exemple parfait du récit basé sur des faits réels et qui vient dépasser la fiction.


Scénario : Milan Hulsing | Illustration : Milan Hulsing
Guerre
Juin
24 juin

Le chat du kimono

Un chat s'évade d’un kimono puis cherche à le retrouver. Le prétexte à un très bon album poétique et onirique, qui cumule qualité d'écriture et une très belle esthétique.Ce récit en one-shot est magnifiquement orchestré, découpé en une succession de tableaux aux styles propres et parfaitement maîtrisés. Les planches consacrées au Japon et aux soieries font penser aux gravures de modes du début du siècle dernier. Elles sont néanmoins traversées par le chat éponyme. Cet animal malicieux est le cousin du chat du Cheshire et du matou du coin de la rue. A moitié magicien, toujours cabot ( ! ), il est le fil conducteur qui nous emmène depuis son Japon natal jusqu'à l'Angleterre victorienne. Nous y croiserons des célébrités littéraires dont l'auteur dresse gentiment un portrait non conventionnel : ainsi, le plus fameux enquêteur de l'époque, le mythique Sherlock Holmes, est ici un détective à la petite semaine qui ne se réjouit de la mode des kimonos que pour les vols et les enquêtes qu'elle va susciter. Il ne saura d'ailleurs résoudre la miteuse histoire de jeux clandestins sur laquelle il travaille, que grâce à un chat et une petite fille. L'humour souvent présent ne masque pas non plus une satire de la bonne société victorienne et aucun personnage ne s'en tire vraiment sans égratignure. Le noir et blanc se prête idéalement à ces atmosphères changeantes. Bref, c'est un album très réussi et envoûtant, réédité 13 ans après sa première publication.


Illustration : Nancy Peña
Roman graphique
Mai
27 mai

Dans l'ombre de Don Giovanni

Lorenzo da Ponte était destiné à entrer dans les ordres, mais il les quitta vite et vécut de façon brillante et quelque peu dissolue. Ami de Mozart, il composa avec lui trois opéras avant de terminer sa vie à NY. Une BD qui nous fait voyager !Clément Baloup et Eddy Vacaro sont deux auteurs complices, puisqu'impliqués ensemble dans un collectif d'auteurs joyeusement appelé le Zarmatelier. Avec cet album, ils proposent de retracer l'essentiel de la vie, particulièrement riche en péripétie, de Lorenzo Da ponte. Cet homme qui se forgea un destin fascinant, né juif et officiant un temps comme prêtre de l'église catholique, en fut renvoyé pour ses idées progressistes et en particulier son goût pour les travaux de Rousseau. Puis il partit à Venise, où il vécu une vie dissolue, se liant d'amitié puis se brouillant avec Casanova. Ses frasques lui valurent d'y être poursuivi par l'Inquisition. Il partit alors à Vienne et obtint la protection du Roi Joseph II. C'est là qu'il travailla comme librettiste des compositeurs de la Cour, dont Salieri. Mais on retiendra surtout de lui sa rencontre avec Mozart et le travail qu'il fit avec lui, en composant en deux mois Les Noces de Figaro et Don Giovani puis enfin Cosi fan tutte. Puis à la mort de l’Empereur, ce fut un nouvel exil, vers Londres, avant enfin d'atteindre New-York, où il connut une sorte de mécène, Clément Clarke Moore (l'inventeur du Père Noël), qui finança sous son impulsion la construction du premier opéra de la ville, le fameux Metropolitan Opéra. 90 années bien pleines et jalonnées d'extraordinaires réussites et de persécutions, que les auteurs retranscrivent grâce à de nombreux flashback situés dans les villes où il vécut. Clément Baloup, avec ses aquarelles, retranscrit ainsi tantôt la douceur de vivre que les tourments, notamment amoureux, de cet homme au destin hors du commun et à qui l'album rend un remarquable hommage. Une lecture distrayante et à la fois instructive.


Collection: Hors champ Couleur : Eddy Vaccaro
Roman graphique
Mars
4 mars

Enfin Libre

Une ado fugue et laisse une lettre énigmatique à son père. Un récit poétique qui ressemble à une enquête et qui contient une belle métaphore : si sa recherche devenait une quête pour son père, l'amenant à ouvrir les yeux sur le sens de sa vie ?David Barou et Philippe Renaut signent cet album sous le pseudonyme qui lui donne son titre, Enfin libre. Le duo, qui a déjà publié Le fluink, Le songe de Siwel et Grumf chez le même éditeur, revient avec un récit dans lequel on retrouve les thèmes et surtout la poésie que les deux premières œuvres véhiculaient. Avec un pitch qui ressemble à celui d'un scénario de film indépendant, Enfin Libre nous embarque dans une histoire qu'on devine tout de suite tendre, ce que la colorisation suggère avec ses teintes qui ne saturent jamais l’œil. Si le contexte s'avère très réaliste, dans un Paris contemporain, on retrouve le dada des auteurs : la métaphore poétique qui s'affranchit d'un déroulement totalement rationnel des évènements. Où est passée Agathe ? Hé bien c'est justement une réponse symbolique que le lecteur trouvera. Peu importe finalement le lieu où elle se trouve, ce qui la sépare de son père, ce ne sont pas des kilomètres qu'elle a pu mettre entre lui et elle, mais ce qu'il ne voyait pas (ou plus) en elle. C'est peut-être la Morale de l'Histoire, quoiqu'on puisse aussi interpréter à sa guise ce qui s'y reflète. Cette histoire s'avère aussi singulière qu'attachante, exactement comme les personnages qu'elle met en scène : ce père qui trimballe son angoisse mais qui est un brave type, cette fille qui est le symbole de l'artiste dans son monde imaginaire, un inspecteur qui est la douce caricature de Sherlock Holmes et des personnages secondaires « populaires », qui fréquentent les bistrots et font de la musique une fois le job terminé. Enfin libre fait partie de ces bouquins qui ne font pas dans le spectaculaire, mais dont l'originalité marque le souvenir de son lecteur.


Collection: Hors champ Couleur : Enfin libre
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