Lucky Luke hérite de la plus grosse plantation de coton de Louisiane… et des revendications de ses employés noirs et récemment affranchis. Pour la première fois, Luke face à la ségrégation : un album qui fait sens !Nous avions certes croisé à maintes reprises des porteurs noirs de ballots de cotons dans les albums de Morris (dans En remontant le Mississipi, entre autre). Mais il s’agissait toujours de personnages « de décors », toujours relégués au rang de seconds couteaux. On ne s’en était pas rendu compte, mais il aura fallu attendre le 81ème épisode de Lucky Luke (72 de l’ère Morris + 9 de l’ère Achdé) pour que le célèbre cow-boy soit confronté frontalement à des thèmes aussi primordiaux pour l’Histoire des USA que la ségrégation, l’esclavagisme et le Ku Klux Klan. Et cela fait formidablement sens avec notre époque, au regard des récentes émeutes raciales aux USA (et dans d’autres pays), quand bien même cette aventure a forcément été initiée par Jul et Achdé avant la mort de Georges Floyd. Luke se retrouve donc ici l’héritier providentiel de la plus grosse plantation de coton de Louisiane ; et bien qu’il n’ait ni l’âme d’un propriétaire exploitant ni le tempérament lucratif, il doit pour le moins mettre proprement cette affaire en ordre avant de retourner à ses aventures. C’est donc paradoxalement l’album des premières fois : première fois dans le bayou de Louisiane, première fois qu’il est si riche, première fois face au patois cajun, première fois la proie d’une tornade… Mais aussi première fois qu’il croise la route de mythes américains tels que Tom Sawyer, Huckleberry Finn et l’authentique Marshal Bass (qui a actuellement sa propre série chez Delcourt), qu’on voit en couverture aux côtés de Luke. Certes, le scénario de Jul n’est pas exempt de facilités (la tornade et son règlement, très pratiques), mais pour la richesse de ses propos, ses bons mots réguliers et sa capacité à rester malgré tout dans le personnage, il offre peut-être le meilleur Lucky Luke depuis l’ère Morris. Sans compter que le dessinateur Achdé livre encore une reprise fidèle et dynamique de la charte visuelle morrissienne, à l’aise dans tous les compartiments de l’exercice, en dépit du changement de décorum imposé.